Stade Abdoulaye Wade : Pourquoi les stades au Sénégal ne prennent pas de noms de Marques ?
Le Sénégal va inaugurer un nouveau stade ce 22 Février 2022 comme relayé par la Fédération Sénégalaise de football tous les médias, suite à l’annonce officielle du chef de l’Etat Macky Sall. Une inauguration qui arrive en temps opportun suite au tout premier sacre des Lions du Football à la Coupe d’Afrique des Nations de Football.
Le Projet Stade du Sénégal Le stade dont les travaux ont débuté le 20 Février 2020, a été construit par la société Turque SUMMA en un temps record. Le projet a été confiée à cette société Turque par la «Société de Gestion des Infrastructures publiques dans les Pôles Urbains de Diamniadio et du Lac Rose (SOGIP SA)», une société Sénégalaise créée en décembre 2015 et placée sous la tutelle du Ministère des Finances et du Budget Sénégalais.
Le stade est construit sur une superficie de 88’000 m2 et aura coûté 153 milliards FCFA pour une capacité de 50000 spectateurs.
Maintenant que les présentations sont faites, on va entrer dans le vif de notre sujet qui est le NAMING et le MARKETING du stade du Sénégal.
Stade du Sénégal, parce que c’est le nom du stade que portait le stade jusqu’à ce 20 Féverier, veille de son inauguration avant de devenir comme annoncé dans la presse Stade Abdoulaye Wade.
Beaucoup de supporters même avaient suggéré différents nom comme celui de feu Pape Bouba Diop (ancien lions de la tanière de la génération 2002 décédé prématurément).
Le Stade, vu de l’extérieur ressemble à s’y méprendre au Stade «Allianz Arena» de Munich en Allemagne qui porte le nom de la multinationale Allemande de Finance «Allianz SE» dont il reprend d’ailleurs la même technologie d’affichage LED qui permet de mettre la façade du stade aux couleurs des équipes qui y jouent. Un beau marketing sensoriel pour nous mettre dans l’ambiance des rencontres. Le design du stade est aussi signé par une autre société Turque «TABANLIOGLU ARCHITECTS». Origines du Naming des stades D’autres stades aussi portent le nom d’entreprises qui ont acheté les droits du NAMING du stade comme celui du «Mercedes-Benz Stadium» à Atlanta aux États-Unis, ou le Stade Red Bull Arena de RB Leipzig en Allemagne ou encore Orange Vélodrome en France pour ne citer que cela. Une pratique marketing qui permet de diversifier les sources de revenues d’un stade mais aussi contribue à la bonne gestion de ce dernier car la marque voudra préserver son image de marque. Le naming des stades est né aux Etats-Unis dans les années 50 avec le le Budweiser Stadium (Saint Louis Cardinals, NFL)et s’est répendu aujourd’hui au niveau de la NBA et du MLB. Les coulisses du foot business nous apprend d’ailleurs qu’en 2017aux Etats-Unis, les trois plus gros contrats étaient : - 18 M€ par an sur 20 ans pour le Citi Field des New York Mets (baseball)
- 17, 4 M€ par an sur 20 ans pour le Barclays Center des Brooklyn Nets (basket-ball)
- 16, 5 M€ par an sur 25 ans pour le MeTLife Stadium des New York Giants et Jets (football américain)
Ces pratiques n’arrivent que dans les années 90 en Europe puis boostés par l’organisation de l’Euro 2006 et 2016 en Allemagne et en France. D’ailleurs très développée en Allemagne. Ces chiffres de Statista nous montre les revenues générés par les droits de Naming dans la Bundesliga pour la saison 2019/2020 (voir image ci-dessous).
Vous l’aurez d’ailleurs remarqué dans la coupe D’Afrique des Nations CAN, la coupe porte le nom de Total Energies qui est une entreprise française dans le pétrole et l’énergie, qui a acheté les droits du Naming de la coupe pour une durée de 8 ans et ce, depuis 2016 grâce à son partenariat avec la Confédération Africaine de Football (CAF). La marque ainsi devenue le sponsor titre de la coupe, qui a vu son nom être rebaptisé “CAN TOTAL” puis “CAN TOTALENERGIES” suite au rebranding de la marque Total.
Total Energies se voit ainsi avoir son nom sur tous les supports de communication de la Coupe d’Afrique des Nations. Total énergies a ainsi mis en place différentes animations dont le “Football Together”, le “Total Football League”, le “Total Man of The Match”, ou encore le “Total Ball Kids”.
Le naming au Sénégal
Au Sénégal aucun stade n’est dans cette optique car dès leurs constructions héritent de noms de personnes qui bien souvent n’ont aucun lien direct avec la sport et la plupart se délabrent dans le temps. Ces stades majoritairement des stades de football qui n’abritent que le football et des événements comme les concerts ou la lutte traditionnelle, semblent n’avoir aucune forme de revenues autres, tendent à se délabrer avec le temps. Si même parmi ces stades certains sont multisports comme le stade Léopold Sédar Senghor (ex Stage Amitié, nom qui est d’ailleurs resté pur beaucoup malgré le nom LSS qui lui est donné manitenant).
Homologation du Stade Pour le stade du Sénégal nommé Stade Abdoulaye Wade, si ce n’est le fait que c’est un stade de dernier cri annoncé partout dans les médias et que c’est aux normes FIFA selon le Directeur Général du SOGIP Gallo Bâ avec les dernières technologies et commodités. On ne sait pour le moment pas si le stade est homologué UEFA / FIFA ce qui pourrait être une vraie valeur ajoutée. En effet, l’UEFA a mis en place un système d’évaluation et d’homologation qui se fait suivant des critères de capacité, de sécurité et de confort. Ce qui permet ainsi de classer les stades sur une échelle de 1 à 5. La classe 5 ou Classe homologuée “Élite” étant pour la classe la mieux notée. Une plaque certifiant les 5 étoiles de l’UEFA y sont apposés. D’ailleurs seuls des stades homologués selon l’UEFA sont apte à recevoir une finale de Ligue des Champions, de Coupe UEFA ou une Coupe du monde (Voir image ci-dessous) On peut citer comme exemple le stade du club de Barcelone “Camp Nou” ou encore “Orange Vélodrome de Marseille” pour ne citer que ça, sont homologuées “Élite”. Et pour l’homologation FIFA, homologation qui rappelons-le doit être renouveler au bout d’une certaine période car limité dans le temps (par exemple au bout de 2 ans si c’est une pelouse synthétique). Un papier délivré par la CAF et la FIFA et permettant au stade de pouvoir accueillir un match officiel international.
Sources de revenus du stade et Marketing Si pour la lutte contre la délinquance ou le hooliganisme la priorité des stades est avant tout de mettre l’accent sur la détente, la sécurité ne doit pas être aussi être en reste. Et les stades dans le monde communiquent sur cet aspect là plus sur les caméras de surveillances et agents de sécurité. Pour ce nouveau le stade Abdoulaye Wade lors de la visite des médias, l’accent semble avoir été plus mis sur une prison pour détenus provisoires qui permet de garder à vue les fauteurs de troubles. Ce qui en soit est loin d’être vendeur. La preuve, il est assez rare voire impossible de voir les stades le mettre en avant dans leur communication car pas très vendeur pour l’image du stade.
Hormis les commodités du stade du Sénégal, de ce que nous avons pu voir, la vraie valeur ajoutée réside pour le moment dans le Musée qui porte le nom de Pape Bouba Diop et pourrait vraiment apporter beaucoup de choses au football Sénégalais si c’est bien managé et bien mis en œuvre pour susciter de l’intérêt. La salle de conférence de 284 places aussi pourrait certainement être louée même hors match.
Les écrans d’affichage LED qui résistent à la pluie et qui entourent le terrain de jeu, ce qui est d’ailleurs est assez innovant pour un terrain de football au Sénégal, pourra très certainement être utilisés pour de la publicité lors des matchs retransmis à la TV. D’ailleurs, là encore on ne sait toujours pas qui est en charge de la gestion).
Ce qui en termes de revenus, demeure assez moindre ! Aucune autre source de revenu qui pourrait en effet compenser et contribuer à la gestion , au développement du stade n’a pour leur été dévoilée. Les compétitions locales de football encore peu développées et pas assez médiatisées n’aident pas malgré les efforts consentis par certains clubs de football national , les sponsors restent faibles et cela contribue au manque d’engouement des marques malgré le football soit le sport numéro 1 au Sénégal au vu du nombre de stades qui sont consacrés à ce seul sport. Donc un NAMING avec une marque locale ou internationale serait une vraie valeur ajoutée et une source de revenu indéniable au lieu de continuer dans la même lancée de donner le nom du stade à des personnes sans aucun lien avec le sport mais qui pourront toujours voir d’autres choses plus pertinentes porter leurs noms. Néanmoins, le Stade Abdoulaye Wade pourra toujours se rattraper au niveau des tribunes avec les Tribunes Sponsorisées, une pratique très répandue en Angleterre, en Allemagne et en France (Voir exemple ci-dessous).
La façon de vendre le stade en image lors des matchs, notamment la réalisation et la production pourrait amener ce stade à un tout autre niveau dans son positionnement marketing et là encore cela ne semble pas être gagné d’avance malgré les technologies de dernières générations acquises.
Vous l’aurez compris, à ce stade de la communication et à la veille de l’inauguration du stade du Sénégal, la communication sur une éventuelle stratégie de retour sur investissement ou/et une étude sur les retombées sur le court et moyen terme semblent inexistant aux vues des différentes sorties des parties prenantes concernées par l’érection et la gestion du stade du Sénégal, plus limitées à présenter les commodités qu’à parler de opportunités et retombés d’une telle infrastructure, coûteux sans nulle doute mais dont le football Sénégalais avait besoin surtout au lendemain des sacres qui pourraient nous ouvrir bien des portes et des opportunités dans le sport et le football principalement. Le stade de basket DAKAR ARENA ou l’ARENE NATIONALE pour la lutte traditionnelle ont aussi tous deux manqués cette coche bien qu’il ne soit pas encore trop tard pour y remédier. Ceci dit, entre nous un stade Pape Bouba Diop serait tellement mieux dans le choix de stade dans les jeux Playstation de la FIFA, mais ça c’est une toute autre histoire...
